Sélim SAIAH
PEINTURES
Il y a une banalisation du discours, de tous les discours. Marcel Duchamp se retrouve neutralisé, garrotté par une sacralisation, affadi par la multiplication de son propos.
Il existe une certaine veulerie intellectuelle, qui consiste aujourd'hui à remettre les choses en cause en répétant sous de subtiles variantes, ce qui a été l’expérience authentique et sincère d’une époque. C'est le risque zéro de la peinture. Un art brillant à l’image de nos grandes écoles, ou la retranscription synthétique est plus importante que le sens critique .
Mais il est de toute première importance de comprendre que l'art est dangereux. "Changer la vie" est la formulation d’un combat extrême, d’une lutte quotidienne contre les conventions et la petitesse …
En ce sens le thème éculé du bouquet de fleurs me semble vraiment digne du plus haut intérêt. Je veux dire que ce qui m’intéresse c’est de me servir de n'importe quoi d'existant : prendre par exemple des fleurs ou une benne à ordure, et, tout en respectant leur forme, leur authenticité en faire des vrais tableaux capables de figurer dans un vrai salon.
Voilà ce qui m’intéresse : c’est l’absence, l’absence totale de toute imagination et de toute intervention autre que le choix précis d’une image pour sa valeur intrinsèque. Libérée, isolée de son contexte, l’image peinte affirme une vérité.
Il s’agit toujours du quotidien, de sujets ordinaire. J'aime l'idée d'un cadrage, d'un découpage cinématographique de la réalité, parce que notre culture visuelle passe aujourd'hui par là. Je me sers d’éléments très simples, de photos banales que je retravaille. D’une certaine manière je déforme la réalité jusqu’à lui donner une présence picturale : il y a une magnification de l’ordinaire, une inversion des valeurs…Le travail informatique me sert d’esquisse.
Au moment ou l’image est à ce point limite d’étrangeté et de quotidien, l’intervention du peint, avec son cortège de difficultés et de hasards maîtrisés, vient alors suppléer l’objet reproductible, et parce que l’œuvre devient unique, elle transmute l’image, elle en est le révélateur au sens presque biblique. La peinture (l’acte de peindre) est la sacralisation qui donne « aux objets familiers l’air de ne pas être familiers » (Shelley – Defence of Poetry).L’absence contenue dans ces tableaux devient présence dans un tableau vide de tout sens…